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Documents d'interpellation

Lettre interministérielle – 30 juillet 2020 – stop aux expulsions de campements, squats et bidonvilles

A l’attention de Madame Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée auprès de la Ministre de la Transition Ecologique, chargée du Logement,
De Monsieur Olivier Véran, Ministre des Solidarités et de la Santé.
Et de Monsieur Gérald Darmanin, Ministre de l’Intérieur

Paris, le 30 Juillet 2020,

Madame et Messieurs les Ministres,

Dans ce contexte de crise sanitaire et sociale inédit, le Collectif des Associations Unies qui regroupe 39 associations nationales participant à l’accès au logement et à l’hébergement des personnes les plus démunies, tient à vous alerter sur les expulsions locatives ainsi que sur les expulsions de campements, squats et bidonvilles. Alors que des instructions ont été données aux préfets le 2 juillet afin de conditionner les expulsions et les remises à la rue à une solution de relogement ou d’hébergement, aucune consigne n’a été communiquée pour protéger les populations vivant dans ces lieux de vie informels, dont la situation est très préoccupante.

Mardi 28 juillet 2020, Madame la Ministre Emmanuelle Wargon déclarait dans les médias que « Les sans domiciles fixes ne doivent pas être les oubliés de cette crise sanitaire ». Pourtant, à ce jour, 9 bidonvilles ont été expulsés depuis la fin de l’état d’urgence sanitaire, renvoyant au moins 441 personnes à un parcours d’errance à la rue. 36 autres squats et bidonvilles regroupant plus de 1940 personnes sont menacés d’une expulsion imminente en France métropolitaine. Parmi elles, des familles avec des enfants, des femmes enceintes, des personnes âgées et des personnes malades, qui ont particulièrement souffert pendant le confinement. Les expulser sans solution d’hébergement ou de relogement risque de provoquer une rupture dans leur accès aux soins dans un contexte sanitaire déjà très anxiogène et alors même que des actions de dépistage, de protection et de prévention avaient été mises en oeuvre pendant le confinement. Alors qu’ils constituent déjà un public sanitairement fragile du fait de leurs conditions d’habitat extrêmement précaires, les expulsions à répétitions rendent impossible un accès aux soins continu et nécessaire pour ces personnes. De plus, un grand nombre de ces lieux de vie fait l’objet d’un accompagnement associatif, souvent financé par l’Etat, de sorte qu’expulser leurs habitants risquerait de briser leurs parcours d’insertion vers le logement et l’emploi, et bouleverserait la scolarisation des enfants.

Au-delà de ces expulsions, les associations de lutte contre l’exclusion s’inquiètent des évacuations de campements en cours. Ce mercredi, plus de 2100 exilés ont été expulsés sans préavis d’un campement installé le long du Canal Saint-Denis. La grande majorité n’en est pas à leur première expulsion, alors que 70 % d’entre eux sont des demandeurs d’asile et 20 % sont bénéficiaires d’une protection internationale accordée par la France. Ce soir, en pleine reprise épidémique, ces personnes dormiront dans des gymnases, des dispositifs temporaires et inadaptés au contexte sanitaire. Plus de 300 expulsions sont intervenues à Paris au cours de ces cinq dernières années. Le Ministère de l’intérieur admet pourtant que seulement la moitié des demandeurs d’asile sont aujourd’hui hébergés dans le dispositif national d’accueil, faute de place disponible. L’urgence est donc d’ouvrir des capacités d’accueil supplémentaires en CADA et HUDA pour éviter la reconstitution de ces campements indignes et la répétition des expulsions.

A Calais et à Grande-Synthe, nous assistons à une violation des droits fondamentaux : 711 expulsions de lieux de vie informels ont été ordonnées depuis le 1er janvier 2020, souvent des habitats précaires en tente. Ces expulsions sans propositions d’hébergement sont quasi quotidiennes, et aucune pause n’a été observée dans ces opérations policières durant l’état d’urgence sanitaire. La situation sanitaire est catastrophique : l’absence d’information, le manque d’’accès à l’eau et à l’hygiène, mettent en danger des centaines de personnes, dont des enfants en bas âge, des mineurs non accompagnés et des personnes vulnérables ou blessées survivant et dispersées dans des lieux de plus en plus isolés.

Nous souhaitons également vous alerter concernant des expulsions locatives ne respectant pas l’instruction ministérielle du 2 juillet 2020, qui vise à garantir une solution de relogement effective et adaptée aux occupants dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement. En Ile-de-France, et particulièrement en Seine-Saint-Denis, des ménages sont expulsés sans proposition de relogement ni même a minima d’hébergement. Lorsque des propositions d’hébergement sont faites, elles se font à l’hôtel, une solution insatisfaisante et inadaptée pour les familles.

Face à la gravité de la situation, le Collectif des 39 associations Unies vous demande d’agir auprès des autorités locales concernées, afin de rendre effective l’instruction ministérielle du 2 juillet. Un moratoire des expulsions de squats et bidonvilles sans solutions pérennes et adaptées doit être instauré, accompagné d’un redimensionnement du parc d’hébergement, pour permettre des mises à l’abri inconditionnelles, volontaires, dignes et durables.

Nous sommes à votre disposition pour un échange sur ces situations et nous vous prions de croire, Madame et Messieurs les Ministres, en l’assurance de nos sentiments respectueux

Pour le Collectif des Associations Unies, les porte-paroles
Christophe Robert, Délégué Général de la Fondation Abbé Pierre
Florent Guéguen, Directeur Général de la Fédération des acteurs de la solidarité

Téléchargements
Mobilisations

Projet de loi ELAN : les associations demandent le retrait de plusieurs dispositions

Le projet de loi ELAN est discuté en séance publique à l’ Assemblée Nationale. Avant cette échéance, les associations ont rappelé aux députés leur positionnement commun à travers un document assorti de propositions communes d’amendements (pour télécharger à tout moment la version pdf à jour, cliquer ici : Projet de loi ELAN texte n°721).

Le Collectif déplore que le projet de loi ne parte pas des besoins des personnes sans-abri et mal-logées. Notre plaidoyer ci-dessous.

Répondre réellement aux besoins des personnes mal logées

12 millions de personnes sont fragilisées par la crise du logement, 4 millions de personnes sont mal logées. Le gouvernement a lancé un « plan logement d’abord » national et propose aujourd’hui un projet de loi dit « ELAN » affichant la volonté de garantir « davantage d’équilibre territorial et de justice sociale en faveur des plus fragiles ».

Nous sommes 35 associations nationales de lutte contre le sans-abrisme et le mal logement, dont les actions permettent d’accompagner 3,8 millions de personnes en difficulté avec l’aide de 150 000 salariés et 200 000 bénévoles. Nous nous mobilisons chaque jour pour tenter d’améliorer le sort des plus démunis dans notre pays. Fortes de notre expérience quotidienne de la réalité des conditions de logement et d’hébergement des plus pauvres, nos associations souhaitent réaffirmer les messages qu’elles défendent depuis la création du Collectif des Associations Unies en 2008. L’objectif de justice sociale invoqué par le projet de loi ELAN appelle en effet des orientations qui font actuellement défaut, pour apporter des solutions réellement efficaces aux plus fragiles tout en respectant la logique du logement d’abord.

1/ Développer massivement l’offre de logements dignes réellement accessibles aux ménages les plus modestes 

Le choc de l’offre annoncé par le président de la République était indispensable à la réalisation du plan logement d’abord, à condition de favoriser l’accès au logement des plus démunis. Pourtant, les associations constatent que les moyens ne sont pas mis en œuvre pour le provoquer.

Pour les associations, le projet de loi Elan devrait être une occasion de créer les leviers nécessaires pour accroitre fortement la production d’une offre locative très sociale accessible  aux ménages les plus pauvres, mobilisant les parcs public et privé, en particulier sur les territoires les plus tendus. Pour réaliser cet objectif indispensable à une politique effective du logement d’abord, le CAU demande dans ce sens depuis plusieurs années une loi de programmation pluriannuelle, fixant aux pouvoirs publics des objectifs ambitieux de production de logements sociaux à bas niveau de quittance et de production de logements privés à vocation sociale.

Or le projet de loi ELAN transforme le modèle économique du secteur HLM, notamment par la vente accrue des logements sociaux et la restructuration des bailleurs en grands groupes, par une gamme étendue de nouveaux produits immobiliers, et par l’accélération de la production de logements intermédiaires.

Combiné à la baisse des piliers de la politique sociale du logement en France que sont les APL et les aides à la pierre, ce projet de loi constitue une nouvelle étape de désengagement de l’Etat sur le logement social. L’Etat doit rester en première ligne pour garantir la solidarité nationale, la solidarité entre tous sur le territoire, nécessaire au logement des personnes les plus en difficulté d’entre nous. Nos associations ne comprennent donc pas le choix de l’Etat de se désengager de ce secteur. Dans cette perspective, il est par ailleurs impossible d’accepter que les 40 000 logements HLM qui doivent être vendus chaque année pour compenser le retrait de l’Etat, soient comptabilisés pour dix ans dans la production attendue des territoires dans le cadre de la loi SRU. Cette loi a permis à notre pays de renforcer la production de logements sociaux disponibles pour davantage d’équilibre entre les territoires.

Concernant le secteur privé, le rôle de l’encadrement des loyers pour éviter la flambée des loyers en zone tendue est démontré, ce système a fait ses preuves. Dès lors, rien ne peut justifier qu’il fasse l’objet d’une nouvelle expérimentation. Nous demandons donc le retrait du dispositif expérimental d’encadrement des loyers proposé dans le projet de loi, et la mise en œuvre de la loi ALUR.

De la même façon, le bail mobilité, loin de répondre aux besoins des locataires les plus fragiles, risque au contraire de les précariser là où le droit actuel leur permet déjà de changer de logement librement, avec un à trois mois de préavis. Nos associations demandent son retrait du projet de loi. Ce nouveau bail risque d’être utilisé pour louer à court terme à des ménages fragiles, renforçant les risques d’instabilité pour les ménages les plus précaires et les risques d’expulsions. La France compte déjà plus de 15 000 expulsions avec le concours de la force publique par an, des ruptures qui contribuent à alimenter le sans-abrisme et que le ministre de la Cohésion des Territoires s’est engagé à réduire par l’introduction d’un plan de prévention des expulsions. Le projet de loi ELAN doit participer de cette démarche en répondant réellement aux besoins des locataires en difficulté.

De plus, l’offre de logement doit être accessible à tous financièrement, mais aussi accessible aux personnes en situation de handicap. Les associations rappellent qu’un recul de l’obligation d’accessibilité des logements neufs constituerait une régression inconcevable du point de vue des droits des personnes en situation de handicap dans notre pays, qui a pourtant ratifié en 2010 la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées.

2/ Garantir l’accès et le maintien dans le logement pour mettre en œuvre le logement d’abord

Pour ne plus alimenter le sans-abrisme et l’exclusion par le logement, le projet de loi doit également assurer l’accès au logement des plus fragiles et le maintien dans le logement des personnes en cas d’accident de parcours. La mise en œuvre de la garantie universelle des loyers, prévue par la loi ALUR, permettrait de sécuriser les bailleurs souhaitant louer à des ménages en difficulté. Elle faciliterait l’accès des plus précaires au logement. De plus, contre l’exclusion par le logement et les logements au rabais pour les plus pauvres, la lutte contre l’habitat indigne doit être renforcée, de manière à assurer aux habitants des procédures menant rapidement à des conditions de logement dignes (auto-réhabilitation accompagnée des propriétaires en difficulté, repérage et accompagnement des copropriétés en difficulté, procédures dissuasives et plus rapides de lutte contre les marchands de sommeil). La montée des expulsions, facteur de sans-abrisme, impose de renforcer la prévention par un travail interdisciplinaire coordonné, alliant à la fois professionnels du social, du médical et du juridique, l’accompagnement et le traitement efficaces des impayés de loyer ne pouvant se faire sans prendre en compte les situations de détresse mentale et psychologique.

3/ Garantir un accueil inconditionnel et digne quelle que soit la situation des personnes

Le Collectif des Associations Unies réaffirme également la nécessité de respecter le principe d’un accueil inconditionnel et digne de toutes les personnes en situation de détresse, sans distinction de statut administratif ou de ressources. Ce principe essentiel est d’ores et déjà mis en cause par  la circulaire du 12 décembre 2017 et la baisse du budget de l’hébergement récemment annoncée, de 20 millions d’euros en 2018 et de 57 millions sur les quatre années à venir pour les CHRS. Ce coup de rabot va également concerner l’ensemble des centres d’hébergement franciliens subissant une baisse de 9 % des moyens dès 2018 (- 38 millions d’euros). Au vu de ces arbitrages budgétaires, le Collectif demande que soit adoptée une loi de programmation de la politique de l’hébergement et du « logement d’abord », fondée sur les besoins observés à l’échelle de chaque territoire.

Enfin, le CAU rappelle que le logement d’abord impose de favoriser les formes d’hébergement les plus proches possible du logement, dans le respect du droit à la vie privée et de l’unité de la famille. Le projet de loi ELAN prévoit la transformation de bureaux en logements et en hébergements d’urgence sans garantir que les normes d’habitabilité de ces derniers seront les plus proches possibles de celles du logement. L’augmentation des places d’hébergement ne doit pas se faire sur le seul secteur de la mise à l’abri, au détriment du programme d’humanisation de l’hébergement et de l’accompagnement social global visant l’accès au logement des personnes. Les politiques publiques d’hébergement doivent porter un plus haut niveau d’exigence et s’ouvrir à tous les acteurs locaux de la lutte contre la pauvreté.

Notre collectif espère donc que les propositions présentées, représentatives de notre positionnement commun, seront entendues, afin que l’objectif de justice sociale affiché par l’exposé des motifs de ce projet de loi se traduise réellement dans les articles de la loi ELAN et dans les faits.

Contact :

Cécile Bénoliel, coordinatrice du Collectif des Associations Unies – cbenoliel@fap.fr

300 000 personnes sont sans domicile en France Métropolitaine.
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